Aujourd'hui, je suis un livre qui vous tient à coeur. Il vous rapelle certains moments de votre vie, une époque révolue ou vous avez tourné mes pages, ou vous avez senti l'odeur de mon encre fraîche pour la toute première fois, ce papier noirci d'un agencement de mots et de notions, qui n'attendaient alors que votre esprit pour s'épanouir et vous laisser un souvenir impérissable.
Vous ne me lisez plus, je suis a l'abandon sur cette étagère qui commence a prendre la poussière.
Et comme tous les autres avant moi et après moi, tous les amis qui m'ont rejoint à la même place et dans la même situation, je me demande si j'aurai un jour encore le privilège de sentir la chaleur de vos mains, votre transpiration dans tous mes moments d'intense émotion, si j'aurais à nouveau la chance d'entendre votre pouls s'accélerer et de me sentir plus puissant que je ne l'avais alors été en cet instant.
Je suis ce livre ou vous avez mis un mot sur la première page, témoignage éternel de votre amour pour moi, qui me distinguais alors fièrement de tous les autres.
Ma prose vous a touché plus que celle de tous les autres, comme un jouet qui régale et fais les joies d'un enfant toute sa vie durant avant qu'il ne le laisse de côté, dans un coin de sa chambre.
Peu importe si je ne me sens pas utile pour le moment, si je n'ai pas votre regard rempli d'envie de tourner mes pages qui se pose sans cesse sur mes courbes fines.
Je serais toujours là, si un jour vous avez besoin d'un refuge pour votre âme égarée.
Par les mêmes mots qui vous ont séduit, je saurais vous reconquérir.
Et alors, dans toute la splendeur du sens de mon existence, je vous appartiendrai de nouveau, et les aiguilles de l'hologe retrouveront leur place respective.
Par ma noirceur, je vous séduirais à nouveau.
Mon éclat déclenchera celui de votre rire, et personne, même pas un autre homme ou une autre femme n'aura cet égard, cette attention si vive et intense, à part moi.
Je rêve de ce jour là comme un enfant rêve du jour ou il va devenir grand, ou il va pouvoir prendre ses propres décisions.
Mais je suis toujours là, sur cette étagère, et c'est un nouveau venu qui trône fièrement sur votre table de chevet, me lorgnant de tout son orgueil.
Un jour, mes mots redeviendront plus fort que les siens.
En attendant ce jour, j'attends patiemment, dans cet éternel silence qui me caractérise, la jalousie maladive de sentir encore vos doigts me caresser enfouie parmi les milliers de caractères qui me composent.
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