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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 23:34

 

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Elle me l’avait dit, mais je n’avais rien voulu entendre. Je le savais pertinemment, mais la déception ne m’avait jusque là pas sauté aux yeux. Enfin, déception est tout de même un bien grand mot, puisque c’était tout de même une évidence. Elle voulait partir, partir aussi loin que ses jambes le lui auraient permis, et Dieu seul savait qu’elles étaient longues et filiformes, ces jambes sur lesquelles bien d’autres avant moi avaient sans doute posé les yeux. Nous n’étions pas romantiques, nous étions sales et remplis d’espoir, mais il s’était mué en rire. Un rire mutuel, partagé et fusionnel, comme si l’un n’était plus que l’écho d’un autre. Que je sache, Chloé avait toujours eu un faible pour l’Inde. Sa culture, sa résonnance dans le monde populaire, ses figures religieuses et sa philosophie de l’existence. Nous étions tous amoureux d’elle, je l’étais pour ma part depuis la fin de l’école primaire, lorsque je commençai à m’intéresser à ce grand mystère de la vie qu’était l’autre sexe. Lorsque je ne comprenais rien d’autre que ce qui touchait mon monde si petit, qui me tournait autour comme une planète autour d’un soleil rougeoyant et curieux. Pourtant, nos regards ne se croisaient pas, ses beaux yeux en amandes étaient attirés par ceux d’autres garçons, qui je crois n’attendaient que ça. Elle n’était pas la star du lycée, ni la plus populaire. Elle était la fille naturelle que je désirais secrètement. Des cheveux bruns détachés et en bataille, aucun maquillage pour venir apposer son paradis, tout relatif et artificiel qu’il était, sur son visage longiligne. Un corps secret, caché sous des vêtements longs ou amples, et ce petit sourire que j’aimais tant me rappeler les jours de pluie. Vous devez sans doute me prendre pour un pathétique petit être sans défense, rempli d’illusions factices sur l’amour et le monde qui l’entoure. C’est sans doute vrai, bien que mon entourage ne me perçoive sous cet œil que lorsque mon arrogance adolescente prend le pas sur ma raison. Je me souviens d’une sale de bain, de son corps à moitié nu, plongé dans une baignoire vide, de ses yeux au regard fou et perdu par l’alcool et les pétards. Il y a des noirs dans ma tête, comme des legos qui refusent de s’assembler, des pièces d’un puzzle qui a du mal à se reconstituer. J’étais saoul. Saoul l’emprise de ses paroles et de ses rêves, qui semblaient m’hypnotiser.

 

- Tu sais, un jour, je me tirerai d’ici. Je partirai aussi loin que je le peux, en Orient, et je me construirai une nouvelle vie. Non pas que je n’aime pas celle là, mais je veux pouvoir en changer.

 - Je te comprends, disais-je, plus par illusion que par sincérité.


Les autres étaient dehors, ils devaient sûrement continuer de boire, en écoutant de la musique moderne et assourdissante de basses. Charlie m’avait charrié en me disant qu’elle serait à cette soirée, et m’avait conseillé de prendre une capote et une bouteille ou deux pour nous tenir compagnie quand on se retrouverait seul. Je l’avais envoyé balader en lui répondant que ça n’arriverait jamais, et que de toute façon, je m’en foutais. Mais c’était bel et bien faux, mes hormones étaient là pour le prouver. Rien que d’imaginer un instant cette éventualité, tout  bouillonnait en dedans et en dehors de moi, mon esprit se retrouvait comme fanatisé. Je me disais que j’étais complètement dingue d’y croire, mais que j’y croyais. On ne s’est jamais vraiment parlé, au point d’être proche, je veux dire. Peut être en rentrant à la maison, de temps en temps. Nous habitions à un quartier l’un de l’autre, et je la voyais tous les jours arriver en voiture à la FAC. Ce n’était pas un quater back super musclé qui l’accompagnait, mais sa mère. Elle semblait étrangement indifférente aux remarques qui la traitaient de coincée et de sainte nitouche. S                ans doute était-elle assez lucide pour se rendre compte que ce n’était pas elle qui clochait, mais tous les autres. J’en faisais sans doute partie, puisqu’il m’arrivait de me moquer moi aussi, pour impressionner les potes de ma classe avec mes vannes débiles. Une salle de bain est un endroit idéal pour se jeter à l’eau. Elle avait envie de gerber. Quelques minutes après, je m’étonnais de ne pas la voir revenir sur la terrasse, pour faire la fête avec les autres. Alors je suis allé la chercher. J’ai appelé son nom sans grande conviction, et à ma grande surprise, elle a répondu.


-Est-ce que ça va ? lui ais je dis la voix pâteuse.

 - A ton avis ?

 - Bon ok. Si t’as besoin, tu fais signe.


Mais alors que je tournais les talons, elle m’a répondu à nouveau et m’a dit d’entrer. J’ai vu que la porte n’était pas fermée, mais je n’ai pas insisté pour lui demander la raison pour laquelle elle avait choisi cette pièce et pas une autre. Les chiottes, c’était une évidence.

 

- Oh, c’est toi, Rob. Je t’avais pas reconnu avec ta voix de bourré.

La ferme, j’ai pas une voix de bourré, j’ai une voix normale.

Ouais, si tu le dis. Bon, alors, qu’est ce que tu fous ici ?

 - Je… j’avais envie de me caler quelque part moi aussi, et la chambre est prise par Thomas.

 - Quel connard. Sous prétexte que c’est sa maison, il se tape toutes les filles qu’il veut inviter.

 - Et toi, t’en penses quoi ?

 - Je viens de te le dire, non ?

 - Ouais, dis-je.


L’air était chargé de vide, un vide qui pouvait emplir notre conversation à tout instant. Ma bouche était pâteuse, je sentais l’haleine que j’allais me taper demain au réveil. Nous étions plongés dans la pénombre de la pièce, seulement éclairée par la lune qui perçait à travers la fenêtre ouverte. L’air était froid, le sol semblait se dérober, tout l’univers devenait vaporeux et secret. Je ne discernais que ses contours inégaux, mais j’arrivais à les deviner, vu le nombre de fois ou je les avais observés.

 

- Toi aussi, tu veux baiser, Rob ? Toi aussi, tu n’attends que ça ?

- Ouais, mais pas n’importe quand et pas avec n’importe qui. Je ne dis pas que j’attends le moment parfait, mais…

- Ouais, je sais, toi t’es différent. Ils le croient tous jusqu'à ce qu’on leur agite une paire de nibards sous le nez.

- Alors que toi, t’es tellement au dessus de tout ça.

- Ca sert à rien ce que tu dis là. Tu connais rien de ce que je ressens vraiment.

- Non, mais j’aimerais bien.

- Tu sais, un jour, je me tirerai d’ici. Je partirai aussi loin que je le peux, en Orient, et je me construirai une nouvelle vie. Non pas que je n’aime pas celle là, mais je veux pouvoir en changer.

- Je te comprends. Enfin, j’essaie. Je crois. 

- Tu devrais aller avec les autres.

- J’en ai pas envie.

- Oh, je vois. Alors… t’as envie de quoi ?

- De beaucoup de choses. De me baigner, de partir à la mer, d’écouter les Beatles, de lire mon auteur préféré, de manger des bonbons à en avoir mal au ventre. De te connaître plus. Oui, ça me plairait bien.


Je savais qu’un jour j’allais partir, que j’allais sentir un autre air dans mes tempes, sourire à d’autres gens, boire d’autres alcools à m’en ruiner le foie et à en vomir. Je savais que je voulais vivre quelque part. Et par-dessus tout, je savais que je voulais vivre quelque chose avec elle. 

 

 

RB
Le 11/07/2012
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