A la suite d'une coupure internet d'une durée infiniment trop longue, je n'ai pas posté par ici depuis un long moment. Pourtant, je constate que vous êtes toujours aussi nombreux à me suivre chaque jour, et je vous en remercie. Redémarrons cette semaine sur les chapeaux de roues avec un petit texte que j'ai eu envie de vous faire partager. Ceci est une nouvelle en trois parties, tout dépendra de l'inspiration du moment. Rien de plus, rien de moins. En espérant que celle ci vous plaira. D'autres mises à jour sont à suivre très bientôt, alors stay tuned !
La Maison des poupées
Josh et Sarah avaient toujours voulu passer leurs vacances en Irlande. C’était une terre riche en mystères et en histoire qui les fascinait. Des millénaires transpiraient dans ses étranges pierres, dans sa lande emplie de murmures. Bien sûr, la vision que l’on se fait d’un endroit sans jamais y avoir mis les pieds était quelque peu idéaliste, et bien souvent cela ne correspondait aucunement à notre attente. Mais étant donné qu’aucun autre endroit ne les faisait rêver, et qu’il fallait bien choisir une destination pour la lune de Miel, alors ils firent le choix de cette destination un peu à la dernière minute. Leurs proches avaient été un peu déçus de cette décision, ils s’attendaient sans doute à ce que le couple, qui venait de se marier il y a deux semaines à peine, ne prenne une destination plus chaude, du moins plus conviviale. La encore, l’Irlande et ses terres secrètes n’étaient pas vraiment l’idée que l’on se faisait d’un voyage en romantique. Ils avaient trouvé une magnifique pension située à quelques centaines de mètres de la lande, avec une ville toute proche.
Le Devonshire était leur idée première, berceau du célèbre chien des Baskerville de Conan Doyle. Le jour même de leur départ, ils se rendirent à l’aéroport avec une heure d’avance. Ils étaient déjà prévoyant à leur âge. Mais tout dans ce couple défiait les conventions et l’ordinaire. Premièrement, c’était Sarah qui commandait, elle pouvait même se montrer odieuse parfois, le plus souvent froide, envers les personnes qu’elle ne connaissait pas. Ses longs cheveux blonds et ses yeux en amande avaient pourtant séduit le jeune homme, juste avant son extraordinaire capacité de projection dans l’avenir. Elle faisait des projets en permanence, et Josh avait plus que tout besoin de mouvement. Ses parents l’enfermèrent durant toute son adolescence dans un cocon plus malsain que protecteur, et il devait s’en libérer. Elle lui apportait un certain équilibre. Quand à lui, brun aux cheveux en broussailles et aux yeux d’une envoûtante noirceur, il était d’un optimiste à toute épreuve, et bien souvent détaché de tout ce qui était matériel. Cela tombait bien, elle n’espérait pas tomber sur un millionnaire excentrique qui exhiberait ses millions au détriment de sa propre existence. C’était sans doute égoïste, mais quel homme ne l’était pas, au fond, dans une société pervertie par tant d’individualisme ?
Le voyage se passa agréablement bien. Ils devaient s’évader quelques temps, oublier le boulot, les amis et la famille qui les oppressaient. Prendre du temps pour eux. Ils étaient d’autant plus réjouis lorsque l’avion, qui contenait tout au plus une centaine de passagers, se posa sur la terre Irlandaise. Ils iraient visiter des pubs, y boire tout leur saoul sans doute. Ils feraient de longue promenade dans les hautes herbes désertes et silencieuses. Un taxi les aida à charger leurs bagages. Ils s’engagèrent sur la route, et il semblait qu’ils allaient traverser deux univers différents. En bas, le tumulte de la ville, des klaxons et du monde éternellement en mouvement. Bien plus haut, un sentier plus étroit qui menait à des plaines verdoyantes. Lorsqu’ils traversèrent l’horizon de béton pour pénétrer dans cet univers de verdure, ils symbolisèrent ce passage par un baiser langoureux. Plus rien ne comptait qu’eux, et l’instant était d’une importance capitale. Il fallait le vivre. Plus ils s’enfonçaient dans les plaines langoureuses, plus la brume cachait la route. Ils continuèrent à monter à travers le vallon, et c’est là qu’ils aperçurent le lieu ou ils allaient passer deux semaines de rêve. Une petite auberge pittoresque nichée au milieu autres petites maisons alentours. Et juste en face, un Lac brumeux et merveilleusement mystique. La vue était tout bonnement magnifique, et l’air avait un parfum vivifiant. Ils se regardèrent en souriant à la vue de ce spectacle. Le ciel était gris, mais cela n’avait plus aucune importance. Au contraire, cela rajoutait au charme qui se dégageait de cet univers si singulier.
Le taxi les laissa devant l’entrée de l’auberge lorsque la pluie commença doucement à tomber. Pas une grosse averse, simplement un crachin lancinant. Ici, le temps semblait s’être suspendu à travers les nuages, et la vie n’avait pas le même rythme qu’ailleurs. Ils déposèrent leur valise sur le pas de la porte et Josh appuya sur la sonnette de la porte d’entrée. Il n’eut pas le temps de regarder à travers la porte que déjà, celle-ci s’ouvrait à la volée. On les avait apparemment attendus avec impatience. De l’autre côté du perron se tenait une charmante vieille dame. Elle avait les cheveux blancs, permanentés et semblait assez propre sur elle, bien qu’ayant le dos un peu voûté et son poids traduisant ses excès de jeunesse. Ses traits étaient passablement ridés, mais une sorte de gentillesse émanait d’elle, comme la bonne grand-mère qui gâte ses petits enfants lorsqu’ils lui rendent visite le dimanche. Elle les gratifia d’un grand sourire et les pria de rentrer à l’intérieur. Ils posèrent leurs vestes sur le porte manteau et apportèrent les valises à la réception. Pendant ce temps, la grand-mère entama son petit brin de conversation.
Mais Josh n’écoutait pas. Il n’était que trop fasciné par la singularité du lieu. Derrière lui, une fausse cheminée avec le feu qui ruminait dans l’âtre. Un fauteuil qui semblait confortable rien qu’en le regardant. Une grande commode qui servait sans doute de living-room, avec des livres de toutes époques et de toutes tailles. Le jeune homme était persuadé que des trésors étaient sans doute enfouis dans ces pages, mais il n’aurait pas eu l’audace de s’y installer avant d’avoir pris ses quartiers. Mais ce qui dominait toute la pièce –à juste titre car il y en avait partout-, c’était ces visages figés à tout jamais dans la porcelaine. Des poupées. Des dizaines de poupées dans de magnifiques tenues du dimanches, des robes toutes plus extravagantes les unes que les autres. Roses, bleues, jaunes. Une symphonie de couleurs dans un écrin de perfection. Ces sourires artificiels, cette beauté pure qui n’était entravée par aucun fléau du temps hormis la poussière. Il y avait des hommes, des femmes, certaines plus usées que d’autres. Pourtant, il ne put s’empêcher de remarquer que ces 7 là étaient plus lustrées que les autres. Elles étaient d’une propreté immaculée, et chaque parcelle avait été nettoyée avec parcimonie. Sans doute les joyaux de cette précieuse collection. Celles là devaient coûter plus cher que les autres, mais encore une fois, Josh n’eût pas l’indiscrétion de demander. Les paroles de la vieille le tirèrent de sa léthargie admirative.
-Ca se voit que vous êtes des touristes. Je veux dire… qui emporterait autant d’affaires tout en sachant qu’il vient se terrer dans cet endroit ? C’est joli, je ne dis pas, mais vous semblez bien jeune pour aimer vous retirer. Je veux dire vous venez sûrement de vous marier, mais vous auriez pu choisir un endroit un peu plus… enfin, vous voyez ce que je veux dire.
- Nous sommes mariés depuis deux semaines. Et nous avions besoin de… comment dire… De solitude à deux.
- En voilà de bien belles manières de parler. Bien. Cher monsieur, le petit déjeuner vous sera servi demain matin à partir de 7 heures. Vous le prendrez en bas avec les autres pensionnaires. Ne vous inquiétez pas, vous êtes peu nombreux et les autres sont très gentils. Vous pourrez ensuite vaquer à vos occupations. Dîner à midi pétante, souper à 7 heures. Je sais, c’est sans doute un peu tôt pour vous, mais comprenez que cela me donne des facilités. C’est que je n’ai plus vingt ans mon bon monsieur. Et bien que j’aime mon métier, disons que le temps aura fini de m’user. Pour le règlement bien entendu, il se fera en fin de séjour et ce si vous êtes satisfaits de la prestation. Sinon, nous pourrons éventuellement en discuter. Votre chambre est la… 14. Je vous laisse monter vos bagages.
- Ma femme et moi aimerions bien avoir le journal local tous les matins. Est-ce possible ? Je suis prêt à vous payer un supplément.
- Oh… Bien. Dans ce cas, qu’il en soit ainsi. Autre chose ?
- Eh bien… Je n’ai pu m’empêcher de remarquer toutes les poupées de votre salon. C’est une bien jolie collection que vous avez là dites moi.
- C’est un héritage que j’ai reçu il y a longtemps. Je les garde car elles évoquent de bien beaux souvenirs pour moi. La jeunesse que vous êtes en train de vivre à un jour été la mienne, et j’aurais été heureuse de la revivre encore une fois.
- Je comprends. Bien, merci beaucoup madame.
- Si vous avez besoin de moi, je ne bouge pas d’ici de toute la journée.
Josh et Sarah montèrent les escaliers en colimaçon qui menaient à leur chambre. L’intérieur était proprêt, quoiqu’un peu commun sur les bords. Draps en dentelle, couverture en flanelle. Un tableau d’une vue sur la mer était accroché au mur, tapissé de fleurs roses d’un autre temps. Apparemment, le logement avait l’âge de sa principale propriétaire. Pourtant, à cet instant, Josh ressentit quelque chose. Un indicible sentiment d’inquiétude, comme si quelque chose n’était pas à sa place. Pourtant, la première nuit fut paisible, et il s’endormit du sommeil du juste, dans les bras de sa bien aimée.
A suivre...